Artiste peintre accompli et apprécié dans quatre continents, Bedros Aslanian habite Montréal depuis les années 1960. Il partage son temps entre le Québec et la Grèce, mais contrairement à plusieurs, il choisit de vivre à Montréal durant l’hiver. Selon lui, la période hivernale offre les plus spectaculaires scènes à peindre.
« L’hiver est transparent. Avec la lumière, la neige, même les trottoirs deviennent pittoresques! »

Une petite ville de la région des Laurentides, au Québec, tel que vue par Bedros Aslanian
Celles-ci ne sont pas les paroles d’un natif de Saguenay ou de Rouyn-Noranda, mais bien celles d’un Égyptien-Arménien, né à Alexandrie en 1937. Bedros Aslanian est né dans une famille Arménienne d’Alexandrie qui l’a très tôt initié à la peinture et au dessin.
Patrick Hacikyan/
Véritable peintre dont la signature est tenue en estime, Bedros Aslanian a entièrement consacré sa vie à son art. Il est guidé par une recherche esthétique précise nourrie tant par des aspects empiriques que par l’intuition et le subconscient. Voilà qui le situe à cheval. À cheval entre le figuratif et le subjectif. À cheval aussi entre le bleu et le blanc, selon ses propres dires. Le bleu du soleil de la Grèce méditerranéenne et le blanc du manteau hivernal de la Vallée du Saint-Laurent.

Le majestueux château Frontenac, trônant au dessus de la ville de Québec, vu par Bedros Aslanian.
Le premier maître de M. Aslanian a été un professeur de renom, Sylvio Bicci, fils du grand peintre Ottorino Bicci. C’est avec lui que l’artiste forgera son trait et son regard. Il se souvient encore avec affection de ce que son professeur lui a répété sans cesse : « Pour bien peindre il faut trois choses : le dessin, le dessin et le dessin ». Ce sera là où seront construites ses fondations artistiques. Ensuite c’est à l’école des Beaux-Arts d’Alexandrie qu’il édifiera son savoir faire tant, selon lui, grâce aux professeurs qu’au contact avec les autres étudiants. À cette époque, il ne se doute pas encore que sa griffe l’amènera dans plusieurs contrées à travers le globe.
Il est arrivé à Montréal grâce à sa tendre épouse Bibi, qui elle, connaissait déjà. Avec elle, il ira un jour en Grèce, dont la splendeur l’interpellera la vie durant. C’est ainsi que depuis ce temps, le peintre fait le transit, année après année entre la côte grecque et le sud du Québec.

Scène de marché à Aegina, et scène nocturne de ville méditerranéenne.
En arrivant en Grèce pour la première fois dans le cadre d’un travail de créateur de vitrines pour boutiques, l’artiste fût subjugué par les peintres accomplis qu’il rencontra. Son désir de peindre comme eux et avec eux l’emporta. C’est ensuite que, étape par étape, il commença, selon ses dires, à « gravir les échelles » de la peinture. C’est là qu’il maîtrisa la manière de jumeler et d’équilibrer le chaud et le froid des couleurs dans une harmonie qui, petit à petit devint sienne.
Lorsqu’on se penche sur le style de Bedros Aslanian, l’artiste insiste qu’il s’agit d’un prénomène involontaire, que seul les observateurs extérieurs, avec le recul du temps, peuvent analyser. Cependant, le style n’est pas le résultat d’un effort conscient, mais plutôt la somme non calculée des méthodes employées et préférées par l’artiste dans la gestuelle de son couteau et des autres outils. La peinture de M. Aslanian est le fruit d’un effort du subconscient jumelé à la décision consciente, plongeant ses racines dans l’habitude des formes et du geste.

Une vision nocturne d’Alexandrie, en Égypte, vue par Bedros Aslanian
Décrire l’esthétique de Bedros Aslanian est une tâche délicate. S’il y a une influence, elle provient de la perturbation des normes de la peinture qu’a causée Gauguin, puis Van Gogh et la courbe impressionniste. M. Aslanian n’est pas impressionniste pour autant. Il a poussé plus loin leur réflexion esthétique en adoptant son propre prisme dans l’impression des particules de son image. Les fameux carrés lumineux d’Aslanian en sont les témoins les plus visibles. On les reconnaît dans presque toutes ses œuvres.

Après les tournesols de Van Gogh, voici les fameux tournesols d’Aslanian.
Interrogé sur ses préférences, Bedros Aslanian précise que lorsqu’il fait du figuratif, qu’il peint des scènes ou des paysages, ce ne sont pas les détails qui l’intéressent. Il vise plutôt à incorporer le mouvement, l’âme de la scène, sur sa toîle. La quête de sujets artistiques a amené Bedros Aslanian à voyager énormément avec sa toîle et ses outils. Il a particulièrement affectionné ses passages en Italie et en France, entre-autres. Sources d’une abondance de beauté universelle tant dans les créations humaines que dans les paysages naturels. Un de ces importants voyages a définitivement été ses plusieurs séjours en Arménie, dont un qui fût assez prolongé. Il se rappelle que la vie sur place était particulièrement spartiate, mais riche en opportunités artistiques des plus significatives. Pour l’artiste faisant partie de la diaspora arménienne, d’aller faire un pèlerinage dans le petit morceau d’Arménie indépendante qui subsiste, était autant un désir qu’un devoir.
De ce séjour prolongé, nous pouvons aujourd’hui apprécier de magnifiques toile traduisant tantôt la splendeur des steppes arméniennes, tantôt le caractère unique de la vie quotidienne à Gyumri, (deuxième ville d’Arménie et important centre culturel) par exemple.

Scène du village alpin de Dilijian, dans le Tavush, en Arménie.
Plus près de chez nous, du côté du Canada, c’est en premier le Vieux-Montréal qui fascina l’artiste.
« L’architecture, les silhouettes, les rues, la neige, tout est complètement différent. »
D’ailleurs c’est à travers la peinture que M. Aslanian a découvert Montréal, sa nouvelle ville d’adoption. Il a ainsi immortalisé tous les coins du centre-ville, du plateau, de NDG et bien d’autres quartiers. Il a même peint et rendu poétiques des nouveaux quartiers qui ne l’étaient pas auparavant, tels que, par exemple Cartierville, l’arrondissement Saint-Laurent et les alentours de l’école et de l’église arménienne Sourp Hagop, ou beaucoup de Montréalais d’origine arménienne résident. Sachant saisir l’instant ou l’essence poétique d’un lieu à sa manière unique, il a figé sur toile l’expression de rues, immeubles et d’événements de la vie quotidienne mais aussi produit moult portraits de personnages importants et aussi de visages intrigants.

La splendeur de la sortie de l’école à Sourp Hagop, au nord de Montréal, au pied de l’Église où se trouvent ses grandes toiles.
Au Québec, il s’est aussi attardé à la capitale, la très belle ville de Québec, où la splendeur nous guette à presque tout instant dans sa topographie inhabituelle et son histoire. S’il a croqué sur le vif plusieurs endroits du Québec, c’est la région de Charlevoix qui l’emporte, au niveau de la richesse et la variété de sa beauté. Il ne faut pas non plus oublier la grande importance culturelle de cette région. Charlevoix a en fait une tradition pluri-centenaire d’excellence dans les beaux arts. La splendeur naturelle de ce lieu forgé par un impact météoritique a, à travers les années attiré moult peintres à la recherche de la quintessence de la lumière et de l’horizon, des monticules et des vallées surplombant hameaux, rivages et précipices. C’est ainsi que le ciel et la terre de Charlevoix sont reconnus dans plusieurs grandes toiles de Bedros Aslanian.

Échos des saisons avec Charlevoix, à droite. (Bedros Aslanian)
L’artiste se souvient avec affection de la région où laquelle se retrouve tout un ramassis de peintres. Amant de l’hiver, il y allait souvent l’hiver, mais raconte qu’il peignait à l’intérieur de la voiture, où le chauffage lui déliait les doigts pour réaliser son art. On sort quelques temps pour observer et respirer l’air frais, puis on rentre dans l’auto pour se mettre au travail.
Cependant, lorsque Bedros Aslanian regarde toutes ses réalisations artistiques, du plus simple croquis aux peintures les plus élaborées, il y a une œuvre qui surpasse toutes les autres et se situe à un tout autre niveau. Il s’agit des fresques de Sourp-Hagop. Certes, il s’agit de grandes toiles, mais de par leur fonction, on se permet d’y référer par le vocable de fresques. Ces toiles sont séparées du reste du travail de l’artiste.
« Ces toiles, c’est le résultat d’un combat entre Aslanian et Aslanian ».

L’artiste expliquant avec fougue le processus de création des « fresques » de Sourp-Hagop. Photo: © GEC
Le peintre a été mandaté pour créer ces toiles géantes qui ornent l’intérieur de l’Église Arménienne Sourp-Hagop, à Montréal. Cela a été un mystère pour lui et il a dû méditer sur la question pendant des semaines, voire des mois. Ce n’est qu’une fois qu’il s’est totalement soumis au devoir de ce que devait représenter ces toiles qu’il comprit ce qu’il devait peindre. Une fois qu’il a saisi l’essence du sujet dans sa totalité, le reste est arrivé tout seul, et la partie physique de la peinture ne lui a pris que quelques jours. Aujourd’hui, ces toiles sont devenues partie intégrante de l’architecture intérieure de cette église, située au Nord de Montréal. Selon plusieurs, il s’agit de son magnum opus.
Toutes ces réalisations nordiques sont équilibrées par l’autre côté de la peinture de Bedros Aslanian, qui elle, respire l’air marin de la Grèce. Le bleu de son œuvre vient des îles grecques et des gestes quotidiens de la population. Des gestes anciens effectués par des pêcheurs, par des simples marcheurs, ses silhouettes de personnes qui incarnent la beauté du lieu.

Bedros Aslanian en autoportrait. L’artiste à l’oeuvre.
Lorsqu’il trouve un endroit dont l’essence mérite d’être immortalisée, M. Aslanian pose son chevalet et sa chaise, et il peint au milieu de tout. C’est là où le travail se fait. Les passants observent, mais ne comprennent pas ce qui est en train d’être peint. Seul lui peut entrevoir où il va. Ce n’est qu’une fois sur place, dans la galerie ou dans le salon, que l’on peut apprécier dans son entièreté une œuvre de Bedros Aslanian, reflétant à sa manière, la lumière, le mouvement et l’essence d’un lieu, ou l’empreinte unique de ses célèbres portraits.

Le splendide chevalet de Bedros Aslanian, à Montréal. Photo: © GEC
Aujourd’hui, en 2025, Bedros Aslanian fait encore des expositions des deux côtés de l’Atlantique. Gardez l’oeil ouvert pour un prochain vernissage, que ce soit à Paris, à Montréal ou Athènes, car c’est toujours un voyage de pénétrer dans les images de cet artiste véritable.
Le court métrage Profil Artistique: entretiens avec Bedros Aslanian, peintre authentique, sera présenté en salle au courant de l’hiver 2025-2026, à Montréal et à Québec. Pour de plus amples informations ou pour assister à une représentation, revenir ici, ou consultez le profil de nos différents médias sociaux dans les prochaines semaines.
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