Un road trip Une odyssée motorisée en Gaspésie

 

Tradition des vacances Québécoises, rite de passage, escapade classique pour découvrir le pays, le tour de la Gaspésie est une aventure essentielle pour tous ceux qui veulent s’évader au loin, toucher à la mer et avaler les paysages. Ce sont les premiers paysages que virent à la fois les Micmacs qui y vivent depuis la nuit des temps, mais aussi Jacques Cartier et ses équipages, Samuel de Champlain,  Jeanne Mance, Catherine de Saint-Augustin, les premiers corsaires, les Filles du Roy,  Frontenac, et même, malheureusement, Wolfe et ses canons.

La première controverse est de savoir où exactement commence l’aventure. Quand est on rentré dans le territoire historique et symbolique de la Gaspésie? À partir d’où, est-ce, lorsqu’on emprunte la très étroite (encore à ce jour en 2024) «Route des navigateurs»: la romantique route 132?

Pierre Hervé/

Tout dépend de votre point de départ, mais les citadins les plus endurcis pourraient commencer à perdre leurs repères passé la zone d’influence de Québec; L’islet, La Pocatière ? Rapidement les cabourons du Kamouraska offrent une première caresse.

Paysage du Kamouraska du haut d’un cabouron. Photo: Pierre Hervé GEC

 

Bien que le fleuve commence déjà à être salé ce n’est pas encore la mer, trop tôt pour s’arrêter on continue à rouler. Plus loin la vue des iles du Bic confirme qu’on change de paysage, qu’on approche.  On pousse encore un peu passé Rimouski pour franchir une limite administrative annonçant la région touristique de la Gaspésie, mais cette ligne arbitraire est sans importance. C’est par vos sens que vous saurez si vous y êtes. Le fleuve s’élargit peu à peu et devient son golfe.

L’autre rive du fleuve est-elle hors de portée? Sentez-vous l’air marin? Est-ce le parfum des cantines de bord de route qui commencent à offrir club au homard et/ou quédilles aux crevettes ? Si oui, félicitations, l’aventure gaspésienne commence!

Si vous avez quitté la ville dans le confort et l’insouciance de la chaleur printanière avec la neige comme lointain souvenir, un premier choc vous attend passé Cap-Chat. Tournez la tête à droite et vous risquez de voir au loin les sommets encore enneigés des Chic-Chocs. Petit rappel que vous changez d’environnement, que vous n’aviez peut être pas tout prévu. 

Sommet du Mont Albert, dans la chaîne des Chic-Chocs. Photo: Pierre Hervé GEC

 Si vous n’avez pas compris en voyant ces montagnes, on annonce ensuite la ‘’ Haute-Gaspésie’’ . À Sainte-Anne-des-Monts, c’est à droite pour l’aventure en montagne. Il s’agit d’un exercice particulièrement suggéré pour faire taire ces rabat-joies qui osent affirmer qu’il n’y a pas de vraie montagnes au Québec. Elles sont très anciennes, certes, mais d’autant plus stables et sans doute le resteront elles pour un certain temps.

Randonnée près des falaises. Photo: Pierre Hervé GEC

Il existe en effet des montagnes dans le sud du Québec qui atteignent des sommets ou l’on trouve des neiges éternelles clairsemées. Nous avons pas affaire ici aux Alpes ou aux montagnes Rocheuses, mais plutôt à une chaîne qui a eu plus de temps pour avoir les effets du temps et de l’érosion. En effet les Chic-Chocs sont la continuation de la grande chaîne montagneuse des Appalaches, qui elle s’est formée au plus tard vers les 298,9 ± 0,2 à 252,2 ± 0,5 millions d’années, durant la période du système géologique appelé le Permien. Le Permien s’est déroulé à la fin de ce qui est appelé l’orogenèse des Appalaches, une suite d’événements géologiques ayant crée les mouvements qui ont donné naissance aux Appalaches.

Neige au sommet du mont Albert en plein été. Photo: Pierre Hervé GEC

Ceci en fait des montagnes qui, comme les Laurentides, sont parmi les plus anciennes. Les Laurentides, autre chaîne de montagnes du Québec traversant elle plutôt sur la rive Nord du Saint Laurent ont terminé d’être formées il y a un milliard d’années environ. Ceci en fait des chaînes de montagnes plus anciennes que les Alpes, qui elles sont plus anciennes que l’Himalaya. Mais il faut se rappeler: à l’époque où elles venaient de terminer leur formation, les Appalaches et les Laurentides étaient de toute apparence aussi hautes que l’Himalaya.

Splendeurs subtiles des saisons changeantes des Chic-chocs. Photo: Pierre Hervé

 Oui elles sont vraies, leurs pentes sont abruptes et leur sommets dénudés. À 1100 mètres au dessus du niveau de la mer le Mont Logan ne semble pas si impressionnant sur papier. Mais quant cette mer est tout juste au bas de la montagne c’est une autre histoire pour ceux et celles qui peuvent y aller en personne.

Un serpentin de haltes fait de petits détours

Revenons sur la route, cette 132 qui commence à serpenter entre les montagnes et la mer. Cette section est assurément la plus spectaculaire du voyage. La route se coince, falaises impénétrables d’un côté d’où s’échappent quelques ruisseaux formant de minces chutes. De l’autre une courte bande de roches nous sépare de la mer comme pour défier les vagues d’avaler notre voiture.

La très jolie route des Navigateurs, telle que vue à travers le pare brise. Photo: Pierre Hervé GEC

Combinez marée haute aux vents de tempête et les vagues vont effectivement nettoyer votre pare-brise. Mais pas de panique, au tournant d’une falaise apparaît un premier havre, une anse sablonneuse qui se prolonge en une vallée.  Rivière-à-Claude, Mont-St-Pierre, Mont-Louis, L’anse-Pleureuse, autant de villages et de plages pour prendre une pause et réfléchir au reste du voyage. 

  Car une décision approche; rester fidèle au fleuve et garder le compas à l’est. Cela vous permet d’enchainer les villages pittoresque aux noms évocateurs: Manche d’Épée, Cloridorme, Saint-Maurice de l’Échouerie, L’anse-au-Griffon. Vous aboutirez vers le parc de Forillon et Gaspé. 

Sinon, tourner le dos à la mer et se faufiler à travers les montagnes ce qui vous offre une ascension ininterrompue jusqu’à Murdochville.  

Cette ancienne ville minière mainte fois annoncée pour morte est plus qu’une grimace du paysage. Les aventurier du plein air et du ski hors piste ainsi que les éoliennes lui ont arraché sont statut de ville fantôme. Dans l’état actuel on y voit autant de signes de délabrement que de renaissance avec la reprise prévue de la mine de cuivre. 

La route reprends, longue descente sinueuse vers Gaspé à travers montagnes et forêts, paradis de la chasse à l’orignal et des camps forestiers. On suit aussi la rivière York magnifique ruban d’eau limpide réputée pour la pêche au saumons avec de nombreuses fosses facilement accessibles. 

Une des belles rivières gaspésiennes: la York; regorgeante de saumon. Photo: Pierre Hervé GEC

Le saumon en Gaspésie, cela vaut un article en soi. Cependant, il est intéressant de noter que celui-ci est des plus succulents, quoiqu’en disent les Nord-Côtiers. Dans les rivières nombreuses de la Gaspésie, il y a un certain caractère unique au paysage et à l’atmosphère. Il est très agréable de s’y promener, et que dire de la pêche, qui, si elle est pratiquée avec parcimonie, est une véritable manière de goûter au terroir de ces terres intérieures du nord-ouest de la Gaspésie.

Saumon dans une fosse secrète de la rivière York. Photo: Pierre Hervé GEC

La descente se poursuit jusqu’à Gaspé, centre culturel et névralgique bon point pour refaire le plein de vivres et réserver un excursion en bateau. Mais surtout ne manquez pas la plage Haldimad, les vagues ne sont pas énormes mais la plage est longue, le sable doux et la baignade agréable.

Il est parfois utile de se reposer

Vous croyez avoir atteint le but du voyage en touchant à la pointe de la péninsule mais il n’en est rien, comme toute bonne odyssée le but importe peu ce qui compte c’est la manière. Tout de même, il serait négligent de ne pas prendre le temps de se reposer en ces contrées. La liste des pauses possibles est longue: restauration, hôtellerie, baignade, ski, promenade ou camping.

La plage Haldimand, à Gaspé, en Gaspésie. Photo: Pierre Hervé GEC

Cependant, le classique en cette région, est le bon vieux camp de chasse forestier. Une idée pour sortir des sentiers battus et se rapprocher de l’authenticité de la vie gaspésienne. Un lieu pour rire, se régaler, faire des petits travaux et dormir en paix reconnaissante. Il va sans dire qu’on y trouve aussi un petit paradis de la chasse à l’orignal comme à la perdrix. Mais il n’est pas toujours temps de chasser, et cela doit être bien préparé à l’avance.

Un camp de chasse gaspésien, construit par une brave famille. Photo: Pierre Hervé GEC

Alors c’est le temps de reprendre la route, heureusement le prochain arrêt n’est pas loin. Le chemin s’annonce facile, paysages côtiers et agricoles et douces courbes confortable. Mais ne baissez pas la garde, bientôt la route vous surprendra de quelques pentes abruptes, falaises et virages serrés.

Tout le tour de la péninsule

Percé apparait au dernier virage. Ici c’est le temps d’assumer que vous êtes un touriste, prenez un selfie avec le rocher percé comme si vous étiez le premier à le faire et allez prendre un repas de poisson et fruits de mer dans un des nombreux restos.  Vous pourrez déguster votre morue en pensant à la rude existence des premiers pêcheurs dont les maisons de bois sont préservées sur l’ile Bonaventure. Esclaves de la compagnie ils ne pouvaient garder pour leur propre consommation que la morue invendable ni belle ni bonne. 

Au risque de se faire taper sur les doigts par les gaspésiennes et gaspésiens gourmets, il est impératif de déclarer ici que le homard gaspésien est des plus délectables. Par contre, pour y goûter, il faudra avoir la chance de passer par la péninsule en saison. Il est question ici de la saison du homard gaspésien, c’est à dire exclusivement entre avril et juillet. Prière de s’informer à l’avance!

Passé Percé c’est la Baie des Chaleurs qui s’offre à vous. Ainsi nommée par Jacques Cartier en voyant la brume s’élever de l’eau faisant penser à la vapeur d’une eau chaude. Cette partie plus habitée, plus développée et moins rude que les falaises du nord donne aussi l’occasion de visiter quelques rangs et villages plus loin de la côte vers l’intérieur, à moins que vous préfériez enchainer les plages et camper sur un banc de sable. On y croise aussi d’autre magnifiques rivières en particulier la Bonaventure une des plus belles du Québec; descente en canot obligatoire. 

La baie rétrécit, on annonce le Nouveaux-Brunswick, l’odyssée est-elle terminée? Pas tout à fait, reste à remonter la vallée de la Matapédia. On suit les courbes de la rivière on retrouve la forêt dense et les montagnes. Enchainer des kilomètres en se sentant loin loin loin. Puis, surviennent quelques hameaux, maisons isolées et chemins de travers. Qui donc peut bien vivre ici ? Des voyageurs comme nous, qui ont décidé de tout lâcher et vivre de la terre? L’idée est séduisante, on la considère sérieusement. De quoi rêver à passer au concret plus d’une nuit.

Puis la vallée se transforme alors qu’on traverse Causapscal (lieu de naissance de l’écrivain Jean-Yves Soucy), Amqui et les belles terres agricoles en bordure du lac Matapédia. C’est la plus belle des vallées lors de la flambée des couleurs de l’automne au Québec de fin septembre à début novembre, selon plusieurs personnes venues des quatre coins du globe admirer ce splendide phénomène. Toujours sur la route, bouclant la fameuse boucle, bien vite on approche Rimouski et cette autoroute qui nous rattache à la ville. Trop tard pour changer de vie mais les souvenirs qu’on rapporte laisseront des traces et cette idée de s’installer sur la péninsule ne nous quittera de si tôt. 

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