Place au marché: marchés publics de plus en plus forts

Les marchés publics du monde entier ont le vent dans les voiles. Les produits artisanaux, ainsi que le principe de l’achat de produits locaux, ont la cote. Partout en occident, on ne cesse d’entendre parler d’achat local. Dans d’innombrables localités, le marché public de fruits et de légumes et d’autres denrées agroalimentaires se multiplie. Au delà des considérations environnementales, ce phénomène assez récent peut être examiné d’un point de vue social.

Patrick Hacikyan /

La réalité du quotidien de plus en plus connecté dans lequel nous vivons est source de nombreux conforts, capacités et sécurités. Ce progrès technologique, fournissant un standard commun dont tous peuvent bénéficier, confère de manière paradoxale une valeur certaine à plusieurs items et phénomènes se situant hors de son champ d’action. Tele est le cas de plusieurs produits ou services crées dans une démarche authentique et/ou artisane. Ces derniers sont relevés par leur caractère d’exclusivité.

À l’heure où tout est accessible, une personne se plaît souvent à dénicher quelque chose de moins accessible, voire d’unique. Dans les cités modernes, un marché public est un de ces lieux où, par définition, on va dénicher un produit plus soigné, produit à plus petite échelle et souvent considéré comme provenant d’au delà des sentiers battus.

Si les marchés fermiers ont historiquement fait partie du paysage quotidien de diverses municipalités, ils ont néanmoins reculé devant l’apparition des supermarchés et autres magasins à grande surface. Leur récent regain de popularité est retraçable à la récente normalisation des achats en ligne et des objets “connectés”. En effet, selon un article du National Institute of Food and Agriculture de l’United States Department of Agriculture et une étude de l’université de l’Orégon, une très forte croissance des marchés publics fermiers est observée depuis la dernière décennie aux États-Unis. Ce pays reflète une mouvance similaire que l’on peut observer dans bon nombre d’autres pays d’occident. Depuis la fin des années 1990, on a recensé environ 2000 nouveaux marchés publics dignes de mention, aux USA. Dans le seul état de l’Orégon, dans les sept années précédant l’étude, une trentaine de nouveaux marchés publics se sont bien implantés. Pas tous les nouveaux marchés publics subsistent, par contre. Dans la même période, 62 nouveaux marchés publics ont ouvert en Orégon mais 32 ont fermé.

Marché de Grenelle, Paris ©EDS
Marché Atwater, Montreal ©EDS
Marché Atwater, Montréal ©EDS

Marchés publics: vers une pérénnisation?

Les nouveaux marchés foisonnent mais seulement un sur deux survit de manière durable. Ceci est souvent dû au faible nombre d’exposants ou au manque de diversité réelle dans les produits de base offerts. L’autre raison qui explique que bien des nouveaux marchés ne persistent pas dans le temps est que l’administration de ces marchés est souvent mal payée, et donc, se fait trop souvent remplacer. Néanmoins, il demeure qu’il y a une nette augmentation du nombre de ces marchés qui eux, parviennent à s’implanter de manière durable.

« Farmer’s market » américains très populaires

Marché des Enfants Rouges, Paris ©EDS

L’Orégon est un état qui est souvent qualifié de nouvel eldorado gastronomique américain depuis une dizaine d’années. Cette qualification va de pair avec le fait qu’il est champion des marchés publics, avec plus de 80 de ces haut-lieux agroalimentaires. Au Québec, on assiste aussi à un foisonnement de nouveaux petits marchés de village ou de quartier, comme le marché public de Sainte-Agathe, ou encore le marché fermier du métro Laurier, initiative issue en 2009 du coup de coeur de trois citoyens du plateau Mont-Royal à Montréal, pour la consommation de produits locaux. De plus, on assiste aussi à des initiatives de fortification des anciens marchés publics. On peut penser à la rénovation du marché Atwater en 2012, l’agrandissement des infrastructures du marché Jean-Talon en 2005, ou encore au projet du futur marché public de La Cité, à Québec, qui ouvrira en 2019, un marché public qui sera le plus important du Canada.

Marché de Grenelle, Paris ©EDS

Marchés publics d’Europe

En Europe, le même phénomène s’observe depuis longtemps. Si la situation économique parfois instable nuit à certains exposants, il y a pourtant une croissance de la popularité générale des marchés publics. Un public de plus en plus jeune semble attiré par ces petits commerces alimentaires. La popularité du nouveau concept de “locavore” en est au moins en partie la cause. Dans des villes comme Bruxelles, Amsterdam, Paris, ou Rome, chaque quartier a, depuis souvent plus d’un siècle, son propre marché. Par conséquent, on ne peut directement observer une croissance au niveau du nombre total des marchés à l’intérieur des zones urbaines. Par contre, on y observe un renouveau qui passe souvent par les produits biologiques ou artisanaux et authentiques. Dans le marché de Noordermarkt, à Amsterdam dans les Pays-Bas, on vendait depuis plus d’un siècle des pigeons, chaque samedi. Évidemment, dans les années 80, ce type de commerce a dégringolé. Adri Vallentin à, de manière avant-gardiste en 1987, décidé d’y installer plusieurs étalages de vente de produits biologiques sur ce lieu, qui était d’ailleurs juste à côté de son café. Le lieu est depuis, un des marchés publics les plus courus de cette ville.

Marché des enfants rouges, Paris ©EDS

Les marchés de Paris: là pour rester

Paris est tissé de marchés de quartier qui se voient fréquentés par jeunes et vieux une ou deux fois par semaine. Le marché de Grenelle en est un cas représentatif. Grenelle était une municipalité voisine adjacente à Paris qui y a été annexée en 1860. Le marché de Grenelle que l’on aperçoit aujourd’hui en dessous du métro aérien de la station La Motte-Picquet -Grenelle est en fait le marché historique de cette ancienne commune. À l’origine il était situé à côté du mur des Fermiers Généraux, une des sept anciennes enceintes de Paris. Il est aujourd’hui ouvert deux fois par semaine, et fait partie intégrante des us et coutumes des habitants environnants. On y trouve de tout, et tous les types de personnes le parcourent. Situé entre deux stations de métro, protégé par le viaduc sur lequel roulent les rames, le lieu est un point juste pour y observer la vie quotidienne de la capitale. Le marché des Enfants Rouges est le plus ancien marché couvert de Paris. Il a ouvert en 1628. Dans les années 90, il a été menacé de destruction. Il a été sauvé lors du regain de popularité des produits authentiques, et classé monument historique. Bien que petit, il grouille encore d’activité. On y retrouve plutôt des lieux de restauration, cependant ses étalages de ventes de fruits et légumes, fromages, charcuteries, et poissons, sont toujours très populaires. Le lieu comprimé, mais empreint d’une certaine ambiance impalpable très conviviale.

Marché des enfants rouges, Paris ©EDS

Cette récente remise en valeur des marchés publics, est plus qu’une tendance. Elle est un nouveau paradigme des modes de consommation des populations. Elles aiment bien converser sur whatsapp, tout en dégustant un yogourt de chèvre fermier. Elles aiment aussi cuisiner une salade de légumes bio après avoir été jouer un jeu de réalité virtuelle. La mouvance entourant la récente popularisation des marchés publics en est une qui permet un nouvel équilibre dans la qualité de vie du monde actuel. Elle est en demande croissante, dans les villes comme les villages, et c’est une très bonne nouvelle.

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